par Francesco Maringiò
Nous recevons cet article du camarade Francesco Maringiò et nous le publions volontiers comme contribution utile à la discussion sur “Les communistes et la question nationale”.
L’éditorial de Sergio Fabbrini[Italia e Ue, il momento delle scelte strategiche, il Sole24Ore, p.1, 11/03/2018] dans le journal Confindustriel (Le MEDEF italien) est très intéressant. En partant de l’analyse du vote où l’on identifie qui a gagné les élections (et pour quelle raison principale) : “dimanche dernier, plus de la moitié de l’électorat italien a donné le vote à deux partis (5 Étoiles et la Ligue) qui avaient un programme souverainiste (déclaré).
Ces élections, peut-être pour la première fois, nous ont donné une Italie politiquement unifiée autour d’un état d’esprit souverainiste, représenté au nord par le centre-droit sous la direction de la Ligue et au sud par les 5 Étoiles. (….) Il s’agit d’un vote qui exprime la demande (de différents électorats) de reprendre le contrôle des politiques nationales cruciales, telles que les politiques budgétaires et migratoires. (….) Le 4 mars, une insécurité économique généralisée (dans les électeurs du Sud) et une insécurité territoriale tout aussi répandue (dans les électeurs du Nord) ont fait surface politique. Le Sud a payé plus que d’autres régions pour la crise économique et s’est senti exclu de la reprise qui a suivi. Le Nord a souffert plus que d’autres régions de l’immigration et l’a perçue comme une menace identitaire pour sa cohésion sociale.
Le fait est que les deux insécurités ont été générées par des politiques (économiques et migratoires) sur lesquelles l’Italie a des compétences et des ressources limitées. Ces politiques sont décidées dans le système européen d’interdépendance (la zone euro dans le premier cas, l’Union européenne ou l’UE dans le second cas) et non dans le système national d’indépendance”.
Enfin, ils sont mis sur la table la question qui, pour la gauche dans ce pays, est souvent tabou : la question de la défense des intérêts nationaux. Évidemment, il ne s’agit pas d’un thème de classe tout court, mais il traverse l’arc gauche-droite : la souveraineté nationale peut être défendue pour renforcer la bourgeoisie nationale d’un pays, ou pour défendre ses forces productives, dont le développement est essentiel pour un processus de transition socialiste.
Et l’approfondissement de la crise a fait grandir dans la tête du peuple (moins dans celle des groupes dirigeants de la gauche politique) la nécessité de sauvegarder les intérêts nationaux dans toute l’Europe : “les forces souverainistes ont gagné le 13% des électeurs en Allemagne (lors des élections du 24 septembre dernier) alors qu’elles ont obtenu plus du 50% en Italie (lors des élections du 4 mars dernier) “.
Le éditorialiste du Sole 24 Ore voit une discontinuité entre l’orientation européiste et le vote : “selon un récent dossier politique d’Eupinions, 66% des Italiens continuent d’être en faveur d’une plus grande intégration économique et politique. Ce qu’il faut expliquer, c’est pourquoi il y a seulement deux ans, ce taux de 66 % était de 10 points de plus”, explicable avec le système intergouvernemental. “Le système intergouvernemental – l’éditorial continue – créé pour gérer collectivement ces politiques a fini par générer des effets imprévus (…)[et] a fini par créer des hiérarchies de pouvoir entre les gouvernements nationaux ou des impasses décisionnelles. Ainsi, en matière de politique financière, les décisions prises (stabilité plutôt que croissance) étaient cohérentes avec les intérêts des pays prédominants ou, en matière de politique migratoire, les décisions non prises (contrôle supranational des frontières et des flux) favorisaient les pays les moins exposés aux processus migratoires. Dans tous les pays européens, il y a eu une réaction souverainiste aux effets de la crise financière et de l’immigration”. Et il ajoute que “l’interdépendance européenne (dans les politiques fiscales ou migratoires) n’a pas conduit à une réduction uniforme des souverainetés nationales. En fait, certains Etats membres (comme l’Allemagne) ont pu combiner le soutien à la souveraineté européenne avec la préservation de leur souveraineté nationale, tandis que d’autres Etats membres (comme l’Italie) ont dû renoncer à la seconde pour faire partie de la première“.
Ce que je ne vois pas comme étant souligné, à mon modeste avis, c’est qu’il ne s’agit pas d’une question technique, mais d’une politique générale : L’Union européenne et le mécanisme de la zone euro n’ont pas perdu “l’inspiration originelle”, mais représentent la mise en œuvre du processus d’intégration, basé sur le déséquilibre entre les zones économiques et la concurrence inter-impérialiste entre les pays de Kerneuropa (le noyau dur autour de la zone du mark allemand) et les pays du sud de l’Europe.
Ce qui a manqué culpablement dans cette campagne électorale, c’est une position claire de souverainisme “de gauche”, capable d’indiquer une perspective alternative au pays et de répondre aux besoins d’insécurité économique et d’insécurité territoriale.
Le contournement de ce point est lourd de conséquences : de l’incapacité à parler aux vastes secteurs populaires qui aujourd’hui ont soutenu le M5S et, surtout, à empêché toute connexion sentimentale avec les masses populaires qui souffrent aujourd’hui de la crise.
Donc, en conclusion, il y a deux nécessités que je vois sous les yeux : construire et faire avancer une ligne politique de “souverainisme de gauche” et participer au référendum pour l’abrogation de l’amendement constitutionnel qui a introduit l’équilibre budgétaire dans la constitution : la première brique à être défilé pour regagner la souveraineté et l’indépendance nationale.